A-t-on le droit, en France, de faire monter un étranger en situation irrégulière dans sa voiture ? Ou de le faire entrer chez soi pour lui donner à manger, lui permettre de se doucher ou de charger son portable ? Eric Besson, le ministre de l’Immigration, jure que oui (lire ci-contre). Les députés socialistes et les associations affirment le contraire. Selon eux, le gouvernement cherche par tous les moyens à dissuader les simples citoyens d’aider les étrangers en situation irrégulière.
Dans son film Welcome, Philippe Lioret raconte l’avalanche de problèmes qui s’abattent sur un maître nageur, interprété par Vincent Lindon, lorsqu’il décide d’aider un jeune irakien sans papiers. Avant même la sortie du film, la polémique s’emballe. Dans la Voix du Nord, Lioret ose une comparaison entre les clandestins de Calais et les juifs en 1943.Le ministre monte aussitôt sur ses grands chevaux, accusant le réalisateur d’avoir voulu se faire de la pub avec ce «dérapage». Dans une lettre ouverte au ministre, le réalisateur précise sa pensée :«Sachez qu’en l’occurrence, je ne mets pas en parallèle la traque des juifs et la Shoah, avec les persécutions dont sont victimes les migrants du Calaisis et les bénévoles qui tentent de leur venir en aide, mais les mécanismes répressifs qui y ressemblent étrangement ainsi que les comportements d’hommes et de femmes face à cette répression», écrit-il.
Faire peur. La polémique aura eu le mérite d’attirer l’attention sur les difficultés croissantes faites à ceux qui tentent de venir en aide aux étrangers en situation irrégulière. Vendredi, une cinquantaine d’associations dont la Cimade, la Ligue des droits de l’homme, le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) ont publié un communiqué dénonçant «l a répression croissante qui s’exerce un peu partout à l’encontre de militants, ou de simples citoyens, ou d’institutions de l’action sociale qui veillent au respect des droits fondamentaux des étrangers». Selon elles, «bénévoles d’associations, salariés d’institutions du secteur social ou simples citoyens risquent de plus en plus d’être interpellés, placés en garde à vue, de faire l’objet de perquisitions, voire de mises en examen, pour avoir fait ce que leur conscience de citoyen, leur engagement militant, ou leurs obligations professionnelles leur dictent».
Bien sûr, et comme l’affirme Besson, rares sont les poursuites débouchant sur des condamnations. Le gouvernement n’a aucune envie de faire des martyrs de la cause des sans-papiers. Ce qu’il veut, c’est créer un climat, faire peur, et décourager tout geste de solidarité. Sur les vols en direction, notamment, de l’Afrique, la police aux frontières distribue aux passagers une note détaillant les sanctions auxquelles ils s’exposent s’ils s’avisaient de protester contre la présence d’un étranger en cours d’expulsion. Ils peuvent être accusés d’entrave à la circulation d’un aéronef, d’incitation à la rébellion voire d’outrage s’ils s’en prennent aux escortes policières.
«Coûter cher». Dans la chasse aux sans-papiers, le secteur social est aussi mis à contribution. En juin 2008, l’assemblée générale de la Fnars qui fédère les associations de lutte contre l’exclusion et d’aide aux personnes en difficulté, a publié un communiqué dans lequel elle «s’engage à soutenir auprès des autorités concernées», les «établissements et travailleurs sociaux de son réseau mis en cause pour être venus en aide à des personnes étrangères dont ils assurent l’accompagnement ou l’accueil». La directrice du Gîte de l’écluse, près de Toulouse, ayant refusé d’ouvrir à des policiers à la recherche de sans-papiers polonais car ils n’étaient pas munis de commission rogatoire, s’est entendu dire que cela «risqu(ait) de lui coûter cher». Pour autant, elle ne s’est pas exécutée, et le couple a été interpellé sur le trottoir devant l’établissement.